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Très cher docteur Sékou Oumar Hane, que mille fleurs s’épanouissent sur ta tombe

Par Alpha Sidoux BARRY

jeudi 4 janvier 2018

« La mort n’est pas un malheur, ce n’est pas un mal, c’est une opportunité pour amener les parents, les amis et les connaissances de la personne décédée à se rassembler pour la célébrer ». C’est ce que nous enseigne la tradition africaine. Toute la communauté guinéenne et africaine s’est rassemblée le vendredi 29 Décembre 2017 pour célébrer le docteur Sékou Oumar Hane, le premier médecin cancérologue africain en France, décédé le vendredi précédent (un signe du destin !), à l’âge vénérable de 90 ans, à 22 heures, à l’Hôpital Saint-Camille de Bry sur Marne dans la banlieue est-parisienne. Les Sages ont dit que celui qui est né un vendredi, décède un vendredi et est inhumé un vendredi entrera au Paradis. Le docteur Sékou Oumar Hane va entrer au Paradis. Cette croyance est confirmée par un hadith authentique du prophète Mohammad (Paix et Salut sur lui).

Toute la communauté africaine et française s’est réunie pour célébrer un homme hors du commun, que le destin a choisi pour être le premier spécialiste africain de cancérologie en France. Nous n’allons pas le pleurer, mais lui rendre un vibrant hommage, nous allons nous réunir pour honorer un élu de Dieu, un bienheureux parmi les bienheureux, un homme que tout le monde aimait.

La levée du corps du docteur Sékou Oumar Hane a eu lieu le vendredi 29 Décembre 2017, à 11 heures, à l’Hôpital Saint Camille de Bry sur Marne. L’immense foule qui s’est mobilisée pour lui dire adieu, malgré le froid glacial et pluvieux de l’hiver parisien, s’est ensuite déplacée pour se rendre à la prière du Vendredi à la grande mosquée de Créteil et assister à la prière du mort à la mémoire de l’illustre disparu. Puis, les nombreux participants, dont certains sont venus de l’étranger, sont allés au cimetière de Coeuilly à Champigny pour son enterrement dans le caveau familial où reposent déjà deux de ses enfants, Souleymane et Dina, trop tôt disparus.

Enfin, tous se sont rendus à la salle paroissiale Sainte Bernadette pour l’oraison funèbre du défunt. Devons-nous rappeler que le Docteur Sékou Oumar Hane est descendant de la famille omarienne d’El Hadj Oumar Tall, cet illustre ancêtre dont il tient le nom ! Né le 24 Novembre 1927 à Labé de Souleymane Hane et de Djouhairatou Aw, il est père de six enfants, grand-père et arrière-grand-père.

Elève surdoué aussi bien à l’école coranique qu’à l’école française, il a reçu le soutien et les encouragements du commandant du cercle de Labé, M. Lambin, dont la fille, Marie Madeleine, sera plus tard son épouse. Celle-ci est la nièce de feu Baldé Ousmane, ancien ministre des Finances et ancien gouverneur de la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG). Une femme toute de charisme et de bonté. « Nous aimerions tant lui ressembler », m’a confié un jour Mariam Barry.

Sékou Oumar Hane entrera à l’Ecole primaire supérieure (EPS) Camille Guy à Conakry, le premier établissement d’enseignement secondaire en Guinée, puis il poursuivra ses études en médecine à l’Ecole normale William Ponty de Sébikotane au Sénégal, présentant tous ses diplômes avec la mention la plus élevée. Il n’a jamais eu à établir de curriculum vitae car n’ayant jamais eu à chercher du travail.

Devenu médecin africain à sa sortie de William Ponty, il commence sa carrière médicale au Congo Brazzaville dans les années 1950. C’était l’époque de l’Union française (UF) qui liait la France à ses colonies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Tout fonctionnaire africain pouvait être affecté dans n’importe laquelle des colonies. Deux années avant l’indépendance de la Guinée, il rentre en 1956 dans son pays natal où il va exercer principalement à Dubréka en Basse Guinée.

En 1961, l’Etat guinéen l’envoie en France pour poursuivre ses études, plus particulièrement pour faire une spécialité. Il s’inscrit à la faculté de médecine de l’université de Paris en cancérologie et deviendra le premier spécialiste africain dans cette discipline en France. Il occupera successivement les fonctions de médecin à l’Hôpital de la Cité universitaire dans le 14ème Arrondissement de Paris, puis chef de service au célèbre Institut de cancérologie Gustave Roussy où il exercera pendant 30 ans. Il est parallèlement médecin conseil dans le département de Seine et Marne.

D’éminentes personnalités ont pris la parole dans la salle paroissiale de Champigny pour lui rendre hommage. Il y a eu notamment El Hadj Hassimiou Soumaré de Bruxelles, El Hadj Nazirou Tall bien connu des Parisiens et notre doyen le docteur Thierno Abdourahmane Bah. El Hadj Tall a rappelé que « nous avons eu à mettre en terre ce jour un homme propre, unanimement respecté de ses concitoyens, un homme qui était un exemple pour tous par sa droiture ». Et que toute la famille était derrière la veuve, Mme Marie Madeleine Hane. Le docteur Bah a souligné que son aîné, le docteur Sékou Oumar Hane, était « une sommité, une bibliothèque, le docteur ponctualité qui dirigeait ses équipes médicales avec beaucoup de maestria et un immense respect ». Il aimait les gens, respectait la personne humaine et jouissait de la confiance de ses semblables.

L’ancien président Félix Houphouët-Boigny vouait au docteur Hane une indéfectible amitié, surtout après que le médecin eût sauvé une de ses parentes. En reconnaissance de l’affirmation de ses qualités professionnelles, le grand homme ivoirien lui accorda une dizaine de bourses d’études qu’il distribua à des étudiants africains.

Grand militant des droits de l’homme, le docteur Hane s’est beaucoup investi dans l’accueil des exilés africains en France. Il a personnellement assuré gîte et couvert dans sa villa de Champigny à un nombre incalculable de personnes. C’est l’un des rares Africains qui avait comme majordome un Français bon teint et dont l’épouse était sa cuisinière.

Aguerri par les campagnes contre la trypanosomiase menées en Afrique, le docteur Hane était bien préparé pour lutter contre le cancer, un combat qu’il a poursuivi durant toute sa vie. Il a soigné tant de personnes, accueilli à sa table tant de convives, porté secours et assistance à tant de malades, si bien qu’il a été distingué par plusieurs pays : il est notamment chevalier de l’Ordre de Malte et titulaire de l’Ordre national du mérite français.

Comme nous l’enseignent les philosophes, la mort est pour l’homme l’horizon indépassable de tout déni, c’est-à-dire du refus de la perception d’une réalité, de tout fantasme, de toute angoisse et de toute espérance. Nous prions pour que des milliers de fleurs s’épanouissent sur la tombe du docteur Hane.


          Alpha Sidoux Barry
          Président de Conseil & Communication International (C & CI)